Nouvelle-Orléans et Treme, l’histoire d’une différence

Nouveau Lunch and Learn en ce vendredi 14 mars. Nous avons la joie de recevoir Paul Nevski. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais Paul est un acteur important du tourisme et de la culture à la Nouvelle-Orléans. Auteur, guide, conférencier et même propriétaire d’une ancienne plantation, il travaille activement à la mise en avant de cette destination. Par le biais de sa société le Monde créole (www.mondecreole.com) ou de sa plantation « Laura » (www.lauraplantation.com), il permet à des milliers de visiteurs de découvrir ou redécouvrir les cultures de la Louisiane.

NewOrleansPanoramicDepuis 2 ans, Paul a créé une nouvelle visite qu’il est venu nous présenter. Elle se déroule au coeur d’un quartier de la Nouvelle-Orléanes : « le petit Paris noir ». Si ce quartier a été pendant des décennies un lieu hautement sophistiqué comme le révèle son surnom, y faire actuellement une visite est loin d’être dune évidence. En effet, il se rapproche de plus en plus d’un ghetto. Le quartier s’est dégradé. Il a subi d’importants dégats avec le passage de Katrina. Paul fait alors le pari risqué, malgré les violences qui s’y déroulent, d’y organiser des visites. Une excellente manière d’établir un parallèle avec le très touristique quartier français. En outre, Paul reverse 50% des bénéfices de ces visites aux associations locales afin de participer encore plus à la renaissance de ce quartier.

L’histoire du Treme est passionnante. Treme est un français de Bourgogne. Il est chapelier. En 1783, un de ses cinq esclaves s’échappe. En cherchant à le rattraper, il le tue. Le code noir en vigueur dans l’état de la Nouvelle-Orléans interdit les violences faites aux esclaves. Treme écope de 5 ans de prison. Il en sort, trouve une compagne (et non épouse. Cette femme étant noire et les mariages mixtes interdits). Il hérite par elle d’une plantation. Mais Treme n’a pas âme d’un terrien. Il vend alors morceau par morceau sa propriété. Notamment à des créoles (majoritairement d’Haiti). Vous l’aurez compris, c’est là la naissance du plus vieux quartier afro-américain des Etats-Unis.

Ce quartier est sans doute le lieu où la culture africaine, où les cultures diverses sont les plus célébrées. Notamment car la Louisiane, pendant longtemps, a été un état progressiste par l’influence de la France. Les français mirent en place le code noir de l’esclavage, beaucoup plus protecteur envers les esclaves que les règles en vigueur dans les autres états. Le code noir stipulait une obligation de soin pour ses esclaves, une dignité dans la vieillesse, ne pas lui faire de mal, etc… Une logique de « moins pire » dans la pratique ignoble de l’esclavage. Ainsi un esclave à la Nouvelle-Orléans était libre de se déplacer d’un quartier à un autre, de louer sa force de travail une fois son travail accompli. Encore une fois c’était totalement inimaginable dans les autres états pratiquant l’esclavage. Le plus important, et c’est là le propos de Paul, est l’interdiction de séparer les familles. L’absence de séparation permet une transmission de la culture, notamment africaine, grâce à la sauvegarde de la structure familiale. Encore aujourd’hui la Nouvelle-Orléans est la ville la plus afro-américaine. On y célèbre tous les ans cette culture. C’est une conséquence directe du code noir et des liens familiaux en résultant.

Le quartier du Treme est surtout connu pour son influence sur la musique. Il est le berceau, le haut lieu d’expression de Jazz et du Rock and Roll. Deux grands noms de la musique y ont d’ailleurs vu le jour.

jacksonLa première Mahalia Jackson, la reine du gospel, la grande voix de la Nouvelle-Orléans. Trois dates sont essentielles dans sa vie. En 1961, elle chante pour l’intronisation de Kennedy. En 1963, personnalité très engagée, elle est l’amie de Martin Luther King. Paul nous raconte qu’elle serait à l’origine, par un encouragement, de la fameuse phrase de son discours « I have a dream ». En 1968, elle sera la chanteuse pour l’enterrement de ce même Kennedy après avoir chanté à son arrivée à la présidence.

La deuxième personnalité de ce quartier est Ray Charles. Il commence sa carrière en chantant dans les bordels du Treme. En 1959, alors à l’apogée de sa gloire, il se voit pourtant refuser l’entrée du Café du Monde à la Nouvelle-Orléans. En 1971, à sa mort, il refusera d’être enterré à la Nouvelle-Orélans. Sa ville tentera bien de se rattraper en donnant son nom à son aéroport et à nombre d’autres lieux importants.

En conclusion, l’histoire du Treme est l’histoire d’une différence. D’abord par son identité créole forte. Car la créolité c’est avant tout l’acceptation de toutes les cultures. Indienne, africaine, espagnole, etc… Ensuite la différence de classe. A la Nouvelle-Orléans et au Treme, la différence n’est pas celle entre blancs et noirs mais la séparation se crée entre riches et pauvres. Il existait ainsi trois classes. Les blancs esclavagistes, les noirs esclavagistes et les esclaves. Les différences raciales ou culturelles n’ont eu qu’un impact limité durant des années à la Louisiane. Notamment par l’existence du « Plaçage ». Au 16 et 17ème siècle, les jeunes femmes noires pouvaient être prises en charge par les soeurs ursulines. Elles recevaient alors une éducation. Ces placées devenaient ainsi une forme d’élite intellectuelle. Elles étaient éduquées et respectées. Il était alors très courant qu’un jeune propriétaire blanc ait deux familles. Une famille métisse qu’il entretenait et à qui il fournissait une belle éducation généralement en Europe. Et une autre femme blanche, de bonne famille, qui assurait la succession et l’héritage. Ce système continuera durant plus de 150 ans et explique en partie l’élite noire et la diversité de la Nouvelle-Orléans. Ce système va disparaitre avec le rachat de la Louisiane par les Etats-Unis en 1803.

Ainsi se termine la conférence de Paul. Enfin, pas tout à fait. Paul nous raconte une toute dernière histoire. Une petite histoire. La sienne. Celle d’une rencontre. Je ne vais pas vous la dire. Parce que je suis incapable de vous la conter avec la même intensité, ni la même émotion. Et puis simplement car cette histoire est belle, touchante. Qu’à ce moment mon stylo me tombe des mains, je n’écris plus, j’écoute, je prends, je la vis. Le public est ému. Je vous livre tout de même la conclusion. Toujours, toujours lever les yeux, ne pas les baisser, devant personne !

J’espère qu’un jour, vous entendrez cette histoire de sa bouche. A elle seule, elle vaut le voyage.

 

Comme toujours vos mots sont plus justes que les miens :

Dalila : Ce déjeuner a été très instructif tant sur le plan historique que culturel ….J’en sais bien plus aujourd’hui sur la Louisiane que la semaine dernière avant le déjeuner !! Paul Nevski est un excellent orateur et un passionné qui a su me donner envie d’en savoir plus et même de faire une courte escale en Louisiane. Une heure s’était bien mais un peu court, j’aurai pu l’écouter bien plus tant les sujets aborder étaient intéressants et qu’ils invitaient à l’échange  !!

Lie-Wa : Paul est un professionnel et un passionné, un intervenant exceptionnel qui a su nous intéresser bien au-delà de nos espérances et des clichés habituels. Deux envies m’animaient en quittant la salle : en savoir plus et aller sur place… Je n’étais visiblement pas la seule. Bravo et merci pour cette très belle rencontre !

Morgane : Une belle rencontre avec un guide passionné de la Nouvelle-Orléans et la découverte du passé étonnant de la Louisiane. Ce moment très enrichissant m’a conforté dans l’idée que c’est une ville à visiter, mais surtout que c’est une culture unique à découvrir

2 Comments

  • Répondre mars 19, 2014

    Mike

    Bel article qui donne envie d’en voir et savoir plus sur la Nouvelle-Orleans !

    En espérant écouter Paul conter cette fameuse dernière histoire…

  • Répondre juillet 2, 2015

    Mode-Web

    Que dire de plus ? vous avez tout résumé dans cet article.
    Très enrichissant

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