LE MASCULIN N'EXISTE PAS

C’est pas une fausse provoc. Juste une réalité linguistique. Dans la langue française, comme dans beaucoup de langues indo-européennes, le masculin n’existe pas. Ce que nous appelons le masculin est en réalité un neutre. Un genre sans genre, un genre asexué. Bon, je vous accorde, un seul genre sans sexe, c’est pas très pratique pour décrire le monde. Surtout les femmes. Alors, du coup, on a inventé le féminin. Y’a même des peuples, des compliqués, qui ont inventé le masculin. En anglais, il y a les trois, le neutre, le féminin, le masculin. Le masculin, c’est réservé aux hommes, pas aux choses. Les choses n’ont pas de sexe en anglais (sauf les bateaux qui sont féminins, va savoir pourquoi).

Nous, les Français, on est pas comme ça, on a pas l’ego macho. Neutre, ça nous convient. Pour nous, tout est neutre sauf les organismes du genre féminin (et les femmes suisses qui restent neutres tout en étant femmes). Quand même, les grammairiens, ils ont eu du mal à expliquer ça. Alors, ils ont dit que le neutre c’était du masculin. Juste pour nous faciliter la compréhension et pour nous flatter la masculinité. Et puis les grammairiens, ils étaient à l’Académie, payés par le Roi. Pas facile de dire au Roi qu’il est neutre. Ça donne des règles grammaticales comme « le masculin commande au féminin ». Ce qui implique des phrases du type « Le policier et la policière sont violets » alors que la policière seule est violette. Les suffragettes, ça les agace. Enfin, les suffragettes non linguistes parce que les linguistes, elles savent. Elles savent qu’on ne peut pas dire « Les policiers et les policières sont intelligentes » parce que ça exclurait les policiers mâles de la possession de l’intelligence. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire. Et donc, les fonctions sont neutres. Comme les titres. On est professeur quel que soit son sexe. Idem pour les ministres, les avocats ou les médecins. Si on veut préciser, on peut dire « Madame le Professeur » ou « Madame le Procureur » afin de désigner une personne du sexe féminin investie d’une fonction neutre. « La Présidente », c’est la femme du Président, relisez Proust, il ne se trompe pas, lui. Comme la boulangère est la femme du boulanger. Je viens de passer un petit moment sur le site de l’Académie Française où tout ceci est parfaitement expliqué L’Académie est de fort mauvaise humeur car, depuis 1984, elle a donné au gouvernement (et au public) des avis dont personne ne tient compte. On voudrait lui signifier qu’elle ne sert à rien qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Libraire, j’ai tendance à suivre Edmond Rostand (« tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ») et à penser que les grands écrivains sont rares sous la Coupole. Mais, en même temps, je dois reconnaître que les bons écrivains y sont légion. Si les œuvres sont insipides, la langue en est remarquable. Académique, pour tout dire. Ce qu’il y a de bien, c’est que ça permet de classer les gens en deux groupes : ceux, fermes comme des rocs, qui maintiennent l’usage et ceux, fluctuants et opportunistes, qui suivent le fil des modes comme on suit le fil du courant. Etonnez vous après ça qu’un Académicien puisse écrire à la fois sur l’eau et sur la langue, sur ce qui dure et ce qui coule.

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